Mis à jour le 9 novembre, 2008

Histoire de la Seille


La Seille -dont le nom est dérivé du latin "salia"-, rivière lente, s'écoule tranquillement de Lindre à Metz où elle se jette dans la Moselle. Elle a souvent changé de nom au cours des ans.

Au cours des décenies, elle a connu dans sa partie amont des bouleversements, des aménagements drastiques : l'homme a toujours essayé d'assainir sa vallée marécageuse et a tenté de la rendre flottable pour l'industrie du sel. Les méandres ont été coupés, le lit curé et élargi et les terres riveraines comblées et drainées. Bref, la Seille que nous connaissons actuellement à Vic ne ressemble plus du tout à celle des habitants de Bodiatus Vicus.

Nous allons tenter de comprendre ce qui s'est passé et comment la Seille est devenue ce qu'elle est.

Pour se faire, il est nécessaire de se souvenir que cette vallée a été très prospère grâce à sa richesse naturelle, le sel.

Il y a environ 200 millions d'années, les bras de la mer qui bordaient la Lorraine se sont retrouvés isolés par des bancs de sable. Des lagunes ont ainsi été constituées. Le soleil, en asséchant les lagunes, a permis la cristallisation du sel qui a ensuite été recouvert par des sédiments. L'eau de pluie s'est infiltrée, a dissous du sel et a permis la résurgence d'eaux salées à la surface du sol.

Le bassin salifère Lorrain.

Remarquons l'importance du gisement du Saulnois autour des villages de Vic, Marsal, Château-Salins, Dieuze et Moyenvic.

Une campagne de géophysique héliportée s'est déroulée du 16 au 25 août 2001 dans le bassin salifère de la haute Seille sur un secteur triangulaire limité par les villages de Salonnes, Haraucourt, Mulcey, Lezey, Xanrey et Burthecourt afin de retrouver les vestiges d’une industrie du sel.

Le relevé géophysique, organisé conjointement par le BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières) et le MAN (Musée des Antiquités Nationales), a été effectué par le Service géologique fédéral allemand (BGR),spécialiste européen des mesures de géophysique héliportée.

Archéologues et géologues ont tenté ensemble de découvrir les vestiges enfouis d’une industrie du sel, les premiers pour parfaire leur connaissance d’une activité pré-industrielle et les seconds pour localiser les structures salifères et les vestiges de l’exploitation dans le sous-sol.

Nous ferons ici souvent référence à M. Laurent Olivier archéologue et à M. Bernard Sauga géologue tous deux acteurs de ces recherches.

Les fouilles archéologiques obligatoires révèlent aussi de précieux renseignements. Lors des travaux de la déviation de Moyenvic, M. Lafitte, archéologue, a effectué des fouilles préventives sur le site Les Crôleurs.


De l'âge du Bronze à l'arrivée des Romains

Richesse facilement exploitable, le sel est exploité industriellement. Le paysage change vite, l'habitat se développe et la population augmente.

Dès l'âge du Bronze (1500 ans avant J.C.), à plus grande échelle dès l'âge du fer (- 850 ans avant J.C.) les sources d'eau salée de la région de Vic-sur-Seille, Moyenvic et Marsal sont intensivement exploitées par une première méthode d’exploitation appelée le briquetage : l'industrie salinière était née.

Ces sources ont pu être repérées depuis très longtemps par les hommes parce qu'il y pousse une végétation particulière telle la salicorne qui usuellement pousse en milieu marin salé (consultez la page "Flore spécifique des bords de Seille").

"Les hommes de l'âge du fer, les romains, les mérovingiens jusqu'à la fin de l'ancien régime exploitaient ces sources salées pour accroître l'efficacité de ce qu'ils faisaient, ils ne se contentaient pas de prendre de l'eau dans les mares que l'on connait dans la région, ils faisaient quand même des trous, des puits etc…pour arriver à une profondeur suffisante (quelques mètres probablement) cette eau salée qui remontait des profondeurs du sous-sol ne s'étaient pas encore mélangées avec les eaux de pluies, les eaux douces de surface qui auraient fait baisser considérablement la concentration en sel." affirme Bernard Sauga, géologue lors de la réunion d'information à Vic sur Seille le 28 août 2001.

Parmi la demi-douzaine de sites européens de production du sel opérant aux alentours du VIème siècle avant Jésus-Christ, celui de la vallée de la Seille est probablement le plus important. Une estimation basse donne le chiffre de 10 000 tonnes de sel par an, ce qui se traduit par des déchets industriels considérables, regroupés sous le terme de briquetage. Il s'agit soit des restes de bâtonnets, soit des débris de moules, car ceux-ci étaient systématiquement cassés pour en extraire les pains de sel.

"Les prospections allemandes héliportées sont terminées depuis le mercredi 22 août 2001. Celles-ci donnent déjà des résultats extrêmement spectaculaires et on voit en particulier où sont les grandes accumulations de briquetages, ce que l'on ne connaissait pas encore jusqu'alors.
Ce que l'on peut dire déjà en attendant les résultats définitifs, c'est qu'il y a trois grands secteurs de briquetages. Tout d'abord Marsal, ensuite il y a Moyenvic qui est probablement le plus important de toute la vallée et puis il y a Salonnes.
Ce que l'on a repéré aussi, c'est la présence du sel, le sel est partout. Il est très présent entre Moyenvic et Marsal et puis aussi à un autre endroit qui semble secondaire mais qui est tout à fait aussi important, c'est à côté de Lezey, du côté de Salaizeau où l'on a une ancienne saline qui doit être du XIVème siècle après JC et qui a révélé de grosses anomalies géophysiques, il y a probablement là-bas quelque chose que l'on ne connaît pas encore et que l'on cherche à vérifier."
précise L. Olivier. Pour en savoir plus cliquez Prospection aérienne

Vestige d'un puits salé au lieu dit "le Châtry entre Vic/Seille et Moyenvic.


Au terme des deux grandes périodes d'exploitation du sel (celte et gauloise) à l'âge du fer, le briquetage atteint le volume considérable de 4 millions de mètres cubes, soit davantage que la pyramide de Kheops ! Tout ce matériel n'a pas été "perdu". Comme le montrent les prospections géomagnétiques effectuées par hélicoptère en 2001, ces débris, entassés sur des zones dépassant parfois le demi-kilomètre de diamètre et sur plusieurs mètres d'épaisseur, ont constitué le soubassement des villages gaulois qui sont ensuite devenus Marsal, Moyenvic ou Vic-sur-Seille. Sans ces fondations en dur, jamais ils n'auraient pu s'implanter dans ce fond de vallée envasant et mou.

Des axes de communication sont créés : ce sont les chemins sauniers avec des axes nord, ouest/sud-ouest et sud/sud-est, ainsi que la Seille qui permet le transport fluvial du sel dans des barques à fond plat.

"Le briquetage est partout , on en est maintenant à une estimation de 4 000 000 de m3." s'étonne Laurent Olivier, archéologue. Il couvre 120 ha environ avec une épaisseur de 7,5 m. par endroit. Exemple au Chatry sur quelques 200 m de diamètre on estime à 83000 m3 la quantité du briquetage. Le village actuel de Marsal, lui, est construit sur un promontoire constitué des 3 millions de m3 de débris de moules en terre cuite!

On imagine aisément autour des sites d'exploitation (les villages actuels) les terres habitables gagnées sur le marais par ces amas d'argile cuite et de charbon de bois. Je possède un jardin près du cimetière de Moyenvic, et après chaque hiver, des dizaines de bâtonnets de briquetage remontent en surface sous l'effet du gel. Sous l'église de mon village, les mesures effectuées parlent d'une profondeur de briquetage de 10 m. Impressionnant !

Quelques échantillons de briquetage trouvés sur le secteur de Marsal lors de la campagne archéologique de l'été 2001.

Les campagnes archéologiques de Marsal : l'atelier de sauniers celtiques


La Période des Gallo-romains

Occupation de plus en plus forte des hommes autour des exploitations du sel.

Le Saulnois se trouve alors en territoire des Médiomatriques, il est appelé "PAGUS SALINENSIS" .

PAGUS que l'on traduit par "pays", division territoriale (de la Haute Lorraine) de "cité" (au sens de territoire) dont la capitale était Metz (Divodurum).

SALINENSIS formé sur la racine latine "sal", le sel. Racine que l'on trouve dans les noms de Seille (Salia), Salival, Salonnes, Château-Salins et même salicorne.

Le commerce du sel anime la vallée. Des objets divers, dont des monnaies venant de toute la Gaule, prouvent des activités commerciales intenses.

Les Romains installent des salines dans les cités du Saulnois comme à Moyenvic. Mais la technique a changé : ils utilisent déjà des poêles à sel. Ces poêles étaient suspendues à de solides poutraisons, au-dessus du foyer alimenté en bois.

Les analyses archéologiques on mis en évidence tout un réseau de villes romaines qui sont espacées de 700 à 1200m et qui sont de grands établissements. Les villas, grandes et souvent luxueuses sont toutes très précoces : elles sont occupées dès le 1er siècle après JC, ce qui est relativement ancien. En voir plus sur les villas Gallo-romaines

Nous commençons aujourd'hui à comprendre que ce sel, véritable richesse, a développé rapidement une concentration de populations autour des sites salifères industriels. Qui dit développement industriel dit aussi aménagement du territoire (pour employer une expression d'apparence -et seulement!- sympatique). Et cet aménagement, au cours des siècles, a bouleversé le paysage de la vallée de la Seille et celui des alentours.

En effet, nous avons bien compris que pour extraire le sel de la saumure récoltée, il fallait chauffer. Le seul combustible disponible en grande quantité était bien évidement le bois. Et les forêts étaient nombreuses sur les côteaux de la vallée. On s'en servait donc à volonté, sans plan de gestion.


A partir du Moyen-âge jusqu'à la révolution

Naissance des usines (les salines) et problème de gestion du combustible (le bois).

Les différentes phases de l’exploitation du bois accompagnent celles de l’exploitation du sel et ont dû être, au départ, restreintes au niveau domanial. Avec le développement de cette industrie et l’augmentation de la population, la réglementation de l’exploitation du bois était devenue nécessaire. Le XIII ème siècle est marqué par la multiplication des centres d’exploitations du sel et par des luttes incessantes quant à leur propriété. La plupart est détenu par les évêques de Metz et les Ducs de Lorraine. Le bois nécessaire provient donc des domaines épiscopal et ducal. Et les particuliers propriétaires de salines sont souvent détenteurs de forêts.

Du Moyen-age jusqu’au XIIIème siècle, les installations d'exploitation du sel étaient très dispersées. Un regroupement s’opérera avec la disparition de la propriété privée. Dès le XIVème siècle, les salines forment alors des usines fortifiées indépendantes des localités voisines.

Liste des salines : Dieuze, Marsal, Château-Salins, Moyenvic, Saléaux (à Ley) - fermée en 1914-, Rosières -fermée en 1760- , Salonnes

A cette époque, des problèmes de combustible apparaissent. Certaines parcelles de forêt sont affectées directement au bénéficiaire de la concession d’une place à sel par les propriétaires. Pour d’autres, l’usage de la forêt est libre. Il semble qu’au départ, l’organisation de l’exploitation du sel dans les salines ait permis la régulation de la gestion des bois et leur renouvellement.
Les Ducs de Lorraine entament à cette époque une lutte d’influence. Elle aboutit à un véritable monopole pour les souverains sur les salines lorraines et donne naissance à une réglementation générale sur le combustible qui ne cesse de s’étoffer. La plus ancienne ordonnance date de 1340. Les salines finissent par bénéficier, sous le contrôle d’un officier tailleur, d’affectations propres de forêts situées le plus près possible de la Saline. Ce système existait en Franche-Comté depuis le XIIIème siècle. Ces attributions étant insuffisantes, la vente du sel permettait d’acheter du bois.


Une trace écrite de l'an XIII rend bien compte des réalités de cette époque :

Il s'agit d'un rapport préfectoral de l'an XIII (Ces textes sont extraits d'un rapport du préfet du département de la Meurthe) qui date de l'an XIII et s'intitule "Mémoire statistique du département de la Meurthe adressé au Ministre de l'Intérieur" a été rédigé par M. Marquis, préfet, et imprimé par l'Imprimerie impériale.

Morceaux choisis concernant les salines de Dieuze, Château-Salins et Moyenvic.

Morceaux choisis concernant les affouages des salines.

Projet de jonction de la Sarre à la Seille ( inouïe cette idée ! ).

Extrait de la description topographique du bassin de la Seille, de ses caractéristiques économiques et humaines ( intéressant et surprenant ).


Progrès techniques pour économiser le combustible

En 1410, c'est la première fois que cette région prend un nom à la consonnance actuelle : le Saulney, qui deviendra en 1437 Saulnoy.

A partir du XVIème siècle, le souci de préservation du bois s’accentue et le Duc de Lorraine adapte sa gestion pour éviter une exploitation sauvage. C’est “ le régime de la forêt cultivée ”.

Parallèlement, les souverains orientent leur politique sur les phases de fabrication du sel. Priorité : la recherche de procédés visant à réduire la consommation de bois. A partir de 1572, plusieurs techniques sont étudiées sans succès.

En 1578, l’exhalatoire de François Cailliat permet une économie de combustible par la séparation de l’eau douce de l’eau salée avant la “ formation ”, c’est-à-dire avant la fabrication du sel par évaporation. Ce procédé est retenu à Dieuze et à Moyenvic et à la même époque, des procédés similaires sont utilisés dans les salines allemandes.

En 1582, Jean Arnet suggère de réduire les ouvertures des fourneaux, de baisser la poêle sur le feu et d'utiliser la chaleur solaire pour réchauffer l'eau salée. Le Duc de Lorraine lui donne en bail pour 9 ans la saline de Rosières (celle qui dispose de moins de bois). Au bout d'un an, il s'avère que les économies de bois prévues ne sont que moitié de celles réalisées. Cette saline fermera définitivement en 1760.

L’état des chemins et les conditions climatiques rendant aléatoire l’approvisionnement en bois des salines, le flottage apporte une régularité de fourniture. Cette activité, intense dès le XVème siècle, est vite réglementée par les Ducs. Malgré des tentatives sérieuses de la saline de Dieuze et de Moyenvic, le flottage du bois reste un moyen de transport secondaire dans le Saulnois. Le transport par voie terrestre prime, mais son coût est important.

Fin du XVIème siècle : Claudiot présente au duc le système du bâtiment de graduation, une technique de ruissellement des eaux salées sur des fagots avant que cette eau, plus concentrée en sel, ne soit chauffée dans les poêles. Il ne fut utilisé en Lorraine qu’au début du XVIIIème siècle, bien après l’étranger. Leur construction a été imposée dans certaines salines lors du rattachement officieux de la Lorraine à la France, en 1737 (rattachement officiel en 1766). Mais, les fermiers généraux ne voulurent pas se rendre à l'évidence du progrès réalisé par ces bâtiments de graduation et par l'intermédiaire du Conseil des Finances ils firent détruire celui de Dieuze en 1758, celui de Rosière 18 mois plus tard.

Pour information, sachons qu'en 1787, alors qu'une ville comme Nancy consommait 40 000 cordes de bois par an, une saline en consommait 20 000. Cette consommation intensive utilisait, pour les poêles, des bois nobles (chêne et hêtre) producteur de bonnes braises.


Travaux dans la vallée de la Seille

En 1574, on fait vider la Seille pour redresser et mettre en bon état son cours, depuis son origine jusqu'à la saline de Dieuze.

Le 10 avril 1629, Alexandre Clopstein, prévôt de Marsal est autorisé à faire flotter, conduire et amener, tant par les moyens de canaux qu'il a fait faire à ses frais que par bateaux sur la Seille, 4000 cordes de bois achetées sur les terres d'empire et évêché de Metz jusqu'au dessus de la ville de Marsal. Il lui faudra 2 ans pour tout acheminer.

Le 13 avril 1737, le Comte de Lescut et le Prieur de Bosserville sont condamnés par la maîtrise des eaux et forêts de Vic à curer et élargir la Seille depuis Chambrey jusqu'à Moncel.

En 1742, un arrêt du conseil ordonne le curement et l'élargissement de cette rivière entre Dieuze et Marsal, ceci aux fraits des riverains.

En 1780, le Roi ordonne le curage de la neuve Seille jusque Dieuze et rappelle aux riverains qu'il faut couper et arracher aux mois de mai et de septembre de chaque année l'herbe et les roseaux dans la Seille, conformément aux arrêts du Conseil de Lorraine de 1751 et de 1752.


Projets d'assèchement des marais et de voies navigables

En 1717, Mme de Trévoux demanda à l'administration française le droit de propriété sur des terres à l'ouest de Marsal, Moyenvic et Vic pour les assécher, mais ce fut refusé. En 1729, ces trois communes se plaignent auprès de l'évêque de Metz, propriétaire du moulin de Vic, des fréquentes inondations causée par ce dernier. La prise de force fut alors abaissée de 26 pouces, mais l'impact sur les inondations est resté faible. Pour mémoire il faut savoir qu'il y avait 23 moulins répartis sur le cours de la Seille.

En 1739, l'administration pris les choses en main et là aussi sans grand résultat.Sur ordre du gouverneur du Pays Messin, l'ingénieur de Kerlonde élabora un projet pour assécher les marais et rendre par la même occasion la Seille navigable en utilisant l'eau des étangs du Stock et de Lindre. Le coût élevé des travaux fit échouer le projet. Les moulins de la Seille furent enlevés jusque Vic (mais pas celui de Vic qui ne fut détruit qu'en 1825, ce qui abaissa le niveau d'eau de 6 pouces) malgré l'opposition de l'évêque de Metz. Les inondations devinrent alors moins fréquentes.

Le 2 avril 1757 : un arrêt du conseil de Stanislas permet à M. Soyer, entrepreneur de la formation des sels, de faire flotter sur le ruiseau de Château-Voué, de Morhange à la saline de Château-Salins. Pour ce faire, il peut se servir des eaux du Neuf Etang et de l'Etang de Wisse. Le nom actuel "ruisseau de la flotte" rappel le rôle qu'il a joué à cette époque.

En 1759, M. de Belle-Isle, maréchal Louis-Charles-Auguste Foucquet et gouverneur de Metz et du pays messin fait creuser en ligne droite un nouveau lit à la Seille, sur une longueur de 1113 mètres. Il l'éloigne de Moyenvic vers l'est et son ancien lit, près des jardins, est remplacé par un canal de flottage. Ces travaux sont abandonnés à la mort du maréchal, en 1761.

Catoire veut rendre la Seille navigable

De 1771 à1775, Jean-Batiste-Nicolas Catoire, seigneur de Delme, Puzieux, Alincourt et Bioncourt, fit des essais pour rendre la Seille navigable et flottable. Il remonta la rivière de Bioncourt à Dieuze avec une petite flottille (40 voiles de bois de chêne d 400 à 500 pieds de long) puis redescendit jusque Metz. Il réussit (avec beaucoup de difficultés), mais le débit et le niveau de l'eau étaient particulièrement favorables ce jour là.

"Entre trois et quatre heures de l'après-midi, à la retenue des eaux de la Seille, au-dessus du pont des Arènes, près de la porte Mazelle, une affluence considérable s'est massée pour voir arriver à Metz quatre trains de bois en provenance de Bioncourt, à une quarantaine de kilomètres de Metz. Ce 20 novembre 1771, ce sont les premières flottes de planches qui descendent la Seille.Catoire de Boncourt, originaire de Verdun, avocat du roi au bureau des finances de Metz, a pensé rendre la Seille navigable comme l'était la Moselle."

L'année suivante, dans la partie la plus difficile de la rivière etr en remontant le courant, il fait naviguer de Bioncourt à Burthécourt, six bateaux chargés de bois pour la Saline de Château-Salins, tirés par quatre chevaux seulement.

Le 13 janvier 1773, le Conseil d'Etat lui concède le privilège de rendre la Seille navigable. Les travaux seront importants : élargissement de la rivière, abattage des saules et des peupliers, établissement d'écluses, suppression des moulins. En contrpartie de ces travaux et de l'entretien, Catoire percevra en contrepartie le prix des transports réalisés. Mais les propriétaires riverains qui appartiennent à une caste très influente (seigneurs, chanoines, comtes, colonel, chevalier de Malte, baron, marquis ...) demandent que ce privilège soit annulé : financièrement Catoire ne pourra pas faire ce travail, il faudra indemniser les propriétaires des moulins détruits qui provoqueront une famine pour 40 000 personnes.

Le sieur Catoire commence les travaux dans un climat majoritairement hostile. Ses ouvriers travaillent la nuit et sont chassés à coups de fusils.

Malgré les 300 000 livres dépensés pour faire 22 écluses ou portières et pour curer ou redresser certaines parties de la Seille, il renonça au projet. Les écluses furent détruites par les propriétaires dans les années qui suivirent. Le lit de la rivière s'envasa à nouveau et la Seille redevint ce qu'elle était.

En 1782, c'est le chevalier Erard de l'Isle qui établit un nouveau projet de dessèchement des marais de la Seille de Lindre à Metz, sur les deux rives. Son objectif est de convertir les marais 50 000 arpents de prairies et de terre arables . De plus, il prévoit de construire un canal de navigation de l'étang de Lindre à Metz où la communication avec Nancy existe déjà par la Meurthe.Il évoque la possibilité de réunir la Seille à la Sarre. Il affirme que c'est l'agriculture, le commerce et les convois militaires qui profiteraient des bienfaits de son projet. Celui-ci est envoyé à M. Lecreulx, ingénieur en chef des ponts et chaussées de Lorraine, pour étude. Le projet est rejeté en totalité pour manque de réalisme des données géographiques et physiques de la vallée de la Seille : le lit de la Seille est trop plat, trop sinueux et trop vaseux, il faudrait un canal parallèlement à son cours sur les trois quart de sa longueur, mais la pente est insuffisante pour l'écoulement des eaux; la superficie des marais diminue journellement grâce à l'industrie des propriétaires riverains.

En 1784, le Maréchal de Ségur chargea deux officiers ingénieurs, M. de la Prade ( en garnison à Marsal) et M. Drouard, d'élaborer un projet de drainage des marais. Mais, les changements politiques ne permirent pas au projet d'aboutir.

1807 : M.C. Robin, ingénieur à Strasbourg présente le projet de voie navigable des Salines de Dieuze aux houillères de Sarrebruck. Il remarque que la Seille peut être navigable à condition de former des canaux latéraux et que le déssèchement des marais doit être effectué. Jaquiné, ingénieur du département de la Meurthe précise que cet ouvrage "ne doit être considéré que comme le commencement d'une plus grande entreprise qui doit avoir pour premier complémént nécessaire le prolongement de la navigation entre Dieuze et Metz, par la vallée de la Seille."

1817 : Le Conseil Général de la Moselle reprend le dossier de M.C. Robin. La construction du canal doit être financée par tous les propriétaires de la vallée exposés aux inondations. Les conseils municipaux sont consultés. Tous acceptent, sauf Nomeny qui s'inquiète du montant des dépenses : pas moins de trois millions de francs de Lindre à Cheminot.

1820 : Le Conseil Général de la Meurthe note l'extrême gravité des dommages occasionnés dans la vallée de la Seille par l'usage arbitraire et immodéré que la plupert des des propriétaires faisaient des eaux, notamment les trois moulins de Bioncourt, Lanfroicourt et Chambille (Arraye-et-Han).Il manifeste aussi le voeu formel de la suppression du moulin de Vic avec indemnité, la suppression des trois autres sans indemnité, attendu qu'ils ont été établis sans autorisation. Le Conseil d'état répond favorablement pour le moulin de Vic qui fait obstacle au dessèchement des prairies de la Seille. Pour les trois autres moulins, seul un abaissement d'une quinzaine de centimètres de la hauteur des eaux fut réalisé.

1857 : Fin des opérations de curage de la Seille.

Vers 1860, une nouvelle étude de canal est faite par les les communes de la Seille. Le projet est abandonné devant la dépense considérable.

1895 : le projet est à nouveau en consultation. Les Communes donnent un avis défavorable.


Nouvelle gestion des forêts


La gestion des forêts est approximative et leur exploitation fait l’objet de négligences. Au XVIII siècle, la réformation – nouvelle notion de réorganisation et d’aménagement des forêts - créée par Colbert au siècle précédent, fait son apparition en Lorraine. Opérations d’arpentage et d’abornement, vérification des titres de propriétés ou des droits d’usage se multiplient, sous le contrôle de l’administration forestière jusqu’en 1750. C’est à cette date qu’apparaît l’institution de la Réformation, une administration particulière dont le champ d’action s’étend à l’ensemble des bois affectés aux salines lorraines.

Les expropriations génèrent la grogne des populations environnantes. Ce monopole forestier entraîne une augmentation des prix. A la veille de la Révolution, le bilan forestier est triste ; la surexploitation du bois a entraîné une pénurie locale. Cette structure sera supprimée en 1791.

Le bois devient trop cher

En 1789, on peut relever, dans un cahier de doléances relatives à l'industrie du sel ou des canaux de flottage une demande de réduction du nombre des salines, forges, verreries et faïencerie qui de par leur consommation en combustible, "opèrent la cherté des bois et la ruine des forêts." :

"Il a été établi sur les territoires de Lezey, Juvelize et Donnelay des canaux pour la conduite et le flottage du bois employés à la saline de Moyenvic. Ces canaux n'avaient et ne devaient avoir originairement que dix pieds de largeur. L'entretien en ayant été négligé par la ferme générale qui en est chargée, ils se trouvent aujourd'hui large de vingt à vingt-cinq pieds, et lorsqu'il y est fait quelques réparations, c'est au détriment des terrains qui les avoisinent et surtout des prairies dans lesquelles on enlève les gazons pour revêtir le bord des canaux, indépendamment des dommages occasionnés dans les récoltes de toute nature. Le flottage se fait ordinairement au moment de la récolte des foins, les prés sont inondés et le fourrage perdu. Cet objet doit être pris en considération pour y porter remède...

Ces canaux sont encore un objet de vexation pour les habitants, attendu que l'on fait des reprises et des rapports contre les propriétaires des bestiaux qui vont y boire...

Il y a sur notre ban et finage de Donnelay deux canaux venant l'un d'Ommeray et l'autre de Bru où il y a des entrepôts très considérables en bois, venant de cinq à six lieues pour la consommation de la saline de Moyenvic, ce qui fait un tort considérable dans ces contrées à cause de la cherté du bois, tant pour le bois de chauffage que charronnage, que de bois de bâtiments, qui sont hors de prix...

La communauté de Juvelize demande que sa Majesté veuille bien abolir la conduite d'environ 70 cordes de bois que plusieurs communautés des environs de Marsal sont contraintes d'en faire le charroi gratis à l'état -major de cette ville. Elle demande l'abolition de la saline de Moyenvic et Château-Salins."

Dans la commune de Destry, ce sont les mêmes lamentations :

" Nous nous plaignons que le bois est à un prix trop exessif et qu'il n'est pas possible que les pauvres ni les médiocres habitants en puissent acheter, ils sont obligés de brûler de la paille pour se chauffer et cuire leur pain... La cause de cette cherté du bois ne vient que des salines et des forges qui en absorbent plus que le peuple de beaucoup, le bon sel qui se fabrique ès mêmes salines se conduit à l'étranger à deux sols au plus la livre, et le sel médiocre nous est vendu à six sols trois deniers la livre, le sel étant d'une première nécessité, il conviendrait de laisser au peuple la liberté de le prendre où il jugerait à propos et supprimer les salines."

Pour info, rappelons nous que rien qu'à Dieuze, des 7 poêles en 1759, il y en a eu 36 en 1789 ! Un vrai gouffre à bois qui épuise les forêts, la reproduction ne suivant pas la consommation. C'est pour cela que dans les doléances et les plaintes du Saulnois de l'époque, la suppression des salines était toujours demandée. Par ailleurs, les salines sont obligées d'acheter du bois supplémentaire auprès des seigneurs pour compléter leur s affectations spéciales en bois des forêts domaniales


A partir de la Révolution jusqu'à aujourd'hui

Il faut maîtriser la consommation du bois et rendre les terres productives

A la fin du XVIIIème siècle, une véritable économie du sel émerge, s’appuyant sur l’utilisation de la houille, avec deux siècles de retard sur les salines francs-comtoises. En cause, la mauvaise foi des fermiers qui jettent le discrédit sur cette matière première qui a un coût d’acheminement alors que le bois est fourni presque gratuitement.

Mais l’idée que le charbon de terre est le seul moyen d’éviter une exploitation de la forêt à outrance fait son chemin. Le gouvernement force les salines les plus proches des mines à l’utiliser, et notamment les Salines de Dieuze. Mais la houille, qui provient de Sarrebruck, n’est employée qu’en hiver, lorsque le voiturage du bois est devenu impossible (mauvais état des chemins par temps humide).

La houille n'arrive dans le Saulnois qu'en 1751. Mais les préjugés sont tenaces et les essais sont réalisés de mauvaise grâce. Les salines de Dieuze alimentent leurs fourneaux qu'en 1780. Ce n’est qu’au début du XIXème siècle que la houille est employée seule.

En 1805, Napoléon fit étudier par M. C. Robin ingénieur 1ère classe à Strasbourg la réalisation du canal des Salines à Dieuze comme moyen de transport économe pour s'approvisionner en charbon de la Sarre française. Les travaux commencés sous les ordres de l'ingénieur ne furent pas achevés.

En 1807, faisant suite au canal des Salines, M C. Robin propose un projet pour rendre la Seille navigable et dessècher les marais. Aucune suite est donnée par le gouvernement.

1817 : Le Conseil Général de la Moselle s'occupe d'un canal de navigation à établir au moyen de la Seille entre Lindre et Cheminot, limite du département. Il aurait une largeur uniforme de 12 mètres. Coût estimé : 2 950 000 francs. Le projet est une nouvelle fois abandonné car il n'est pas prouvé que ces travaux remédieraient aux inondations.

A partir du XIX ème siècle, les projets de navigation n'ont pas été renouvelés. Les voies de communications se développaient et les terres riveraines de la Seille s'avéraient fertiles. Mais, périodiquement les questions de curage sont évoquées et certains sont réalisés.

Vers 1860, une étude fut faite par les communes de la Seille. Elles abandonnèrent devant la dépense considérable, le prix des travaux de curage s'élevant à 50 548 francs. Reproposé en 1895, les conseils municipaux donnèrent un avis défavorable.