TOPOGRAPHIE
DIVISION EN BASSINS
Cette configuration du département, le cours des eaux vives qui l'arrosent
et leur influence sur la température, me déterminent à
le considérer comme divisé en quatre bassins principaux :
1- Celui de la Sarre, qui comprend la partie nord-est et dont est formé
l'arrondissement de Sarrebourg;
2- Celui de la Meurthe, au centre, comprenant partie de l'arrondissement de
Lunéville et celui de Nancy presque entier;
3- Celui de la Moselle , au sud-ouest qui renferme la deuxième partie
de l'arrondissement de Lunéville, celui de Toul et une petite portion
de celui de Nancy;
4- Enfin, celui de la Seille, au nord, et correspondant dans la division politique
à l'arrondissement de Château-Salins.
[…]
4ème BASSIN
La Seille sort de l'étang de Lindre, lequel est alimenté par
plusieurs ruisseaux d'eau vive venant de Fribourg . Azoudange et de Bisping
près de Dieuze, où elle est grossie par les,ruisseaux du Spin
et du Verbaclh ; elle passe de là à Marsal, à Moyenvic,
à Vic, à Burthecourt, où elle reçoit la petite Seille
; de là à Brin et à Nomény, et quitte le département
près de Morville ; elle entre dans celui de la Moselle, et tombe dans
cette rivière au-dessous de Metz.
Son cours sur le territoire de l'arrondissement de Château-Salins et sur
celui de Nancy est d'environ 6 myriamètres ; elle serpente, dans toute
cette étendue, à travers
un vallon marécageux qui a depuis 400 mètres jusqu'à un
kilomètre ; son lit a de 7 à 16 mètres de largeur, et sa
pente réduite est d'environ 22 millimètres par 100 mètres.
Ce lit, fort sinueux et encombré de vase, présente de grands obstacles
à la navigation, qui seroit cependant très-utile pour le service
des salines et pour procurer des débouchés aux récoltes
de cet arrondissement, qui est la partie la plus fertile du département,
mais où l'entretien des routes est extrêmement coûteux à
cause de la ,mauvaise qualité des matériaux qu'il faut employer
pour les réparer. Ces obstacles naturels sont encore augmentés
par vingt-deux moulins, dont les écluses diminuent la foible pente des
eaux, amoncèlent sans cesse la vase, et forment des attérissemens.
Aussi, comme le lit de la rivière n'a que de 45 centimètres à
2 mètres de profondeur, et que ses bords sont très-bas, la moindre
crue inonde la vallée et la maintient en état de marais. On a
travaillé à différentes époques, à saigner
ces marais; et le dessèchement de ce qui en reste seroit aussi intéressant
pour l'agriculture et le commerce, que pour la salubrité du pays.
Ce bassin est encore arrosé, dans sa partie nord-ouest, par la Nied française,
qui a sa source à Château - Bréhain : elle ne parcourt qu'environ
un myriamètre et demi dans le département, entre près d'Oron
dans celui de la Moselle, y joint la Nied allemande à Condé-Northen
; et leurs eaux réunies, vont se jeter dans la Sarre au-dessus de Siersberg.
Ce bassin contient beaucoup d'étangs, dont les principaux sont ceux de
Lindre, de la Garde et de Torcheville.
L'étang de Lindre peut être considéré comme un lac,
à raison de son étendue et de sa profondeur : il est divisé
en trois principales branches, qui ont chacune environ 3 kilomètres de
longueur ; et il est environné de plusieurs autres petits étangs
qui servent à l'alviner. La pêche, qui se renouvelle maintenant
tous les deux ans, produit 3000 quintaux de poisson de la même espèce
que ceux des étangs du bassin de la Sarre. Ceux de la Garde et de Torcheville
sont bien moins considérables.
La qualité dominante du sol est la terre grasse à base calcaire,
mêlée d'argile, et fortement chargée d'oxide de fer, qui
lui donne une couleur rouge de brique. Cependant, dans la partie nord-est sur-tout,
il y a beaucoup de terres calcaires de couleur grise et assez légères.
La couche végétale a communément de 8 à 10 pouces
d'épaisseur, un peu moins au sommet des coteaux ; mais, dans le fond
des vallons, il n'est point rare de trouver un terreau noir de 15 à 18
pouces d'épaisseur : aussi ces parties sont-elles très-fertiles.
Toutes ces terres posent, ou sur des bancs de pierre calcaire, ou sur une pierre
marneuse, et assez fréquemment sur des carrières de gypse : ce
gypse est presque par-tout d'un blanc pur, quelquefois d'un beau rouge ; on
le rencontre en masses très-inégales, souvent combiné avec
l'argile ou avec quelques filons de terre calcaire blanche.
La sécheresse de la température est favorable au froment, et l'humidité
l'est aux grains de mars. Les neiges de longue durée sont aussi avantageuses,
en ce qu'elles empêchent les mauvaises herbes de multiplier dans les champs.
Ce qui peut nuire le plus à l'agriculture dans cette partie naturellement
très-humide ce sont les brouillards du printemps, qui font extravaser
la sève et jaunir les plantes céréales.
Les points les plus élevés sont le plateau de la côte de
Delme, de 200 mètres au-dessus du niveau de la Seille ; ceux de Marimont
et de Foucrey près d'Arracourt ,d'environ 150.
INFLUENCE DE LA TEMPERATURE SUR L'ORGANISATION ANIMALE
Maladies des hommes
Dans la partie supérieure du cours de la Seille, à Marsal , à
Moyenvic, à Vic et dans les environs de ces petites villes, les goîtres
, les hernies, l'asthme humide et les affections scorbutiques dénoncent
la scepticité d'une atmosphère privée de ressort qui relâche
et affoiblit le tissu organique.
Les eaux de sources fades et séléniteuses, les vapeurs méphitiques
qui s'exhalent de la plaine marécageuse que la Seille charge de limon
dans ses débordemens multipliés, sont les fâcheux principes
de cette corruption de l'air vital : on pense aussi que les différens
gaz qui s'échappent de l'eau salée continuellement mise en évaporation
dans les salines voisines, contribuent encore à vicier les principes
organiques.
Un régime soigné, sur-tout l'usage fréquent des végétaux
anti-scorbutiques, une extrême propreté dans les rues et dans les
habitations, pourraient diminuer beaucoup la funeste influence de ces causes
morbifiques : mais le peuple est loin de prendre les précautions constantes
qu'exigeroit sa santé ; l'apathie, la malpropreté, des alimens
insalubres., multiplient au contraire ces maladies et leur font acquérir
souvent un caractère dangereux : aussi la population est-elle assez foible
dans cette partie. Un teint livide, un air de langueur, une haleine fétide,
distinguent les habitans du bassin salé, de la robuste race qui vit autour
de cette enceinte. Je reviendrai sur cet objet en traitant de la navigation
de la Seille.
FORÊTS
Les bois des salines autour de Dieuze, de Château-Salins, et de Réchicourt qui fourissent en partie à la consommation de celle de Moyenvic, vont 'à 20000 arpens.
RÈGNE MINÉRAL
Tourbières
La tourbe est très peu en usage, quoiqu'elle ne soit pas rare; il est
peu de marais et de bassins d'étangs qui n'en contiennent en plus ou
moins grande quantité.
Elle est très-abondante sur-tout dans le vallon de la Seille ; mais les
essais que l'on a faits pour en exploiter quelques bancs, ont été
abandonnés parce que cette substance, exhale, lors de sa combustion,
une odeur fétide et dangereuse..
[…]
On a trouvé de la tourbe,
2- sur le territoire de Dieuze, auprès du bois du Loup : elle y est très-abondante,
plus noire et d'une meilleure qualité que la précédente;
on en a exploité, il y a trois ou quatre ans, plus de cinq cents voitures
pour la saline de Dieuze : la flamme qu'elle produit est faible ; mais, en cas
de nécessité, elle pourroit encore être employée
;
Mines, carrières, etc
Arrondissement de Château-Salins
IL existe depuis long-temps, sur le ban de Moncel, une carrière de gypse
transparent ou faux albâtre, que l'on tire en grands blocs : on le taille
et il prend un beau poli. Les morceaux que l'on en a tirés ont fourni
des ornemens dans diverses églises de Nancy ; on en a trouvé dans
l'ancien palais des ducs de Lorraine, et il existe quelques statues de mauvais
goût faites de ce faux albâtre.
Sur le même ban est aussi une carrière de gypse très-blanc
; on le convertit en plâtre de bonne qualité, dont on ne fait usage
que dans l'intérieur des bâtimens ; les blocs sont d'une grosseur
médiocre.
[…]
On trouve dans les environs de Dieuze deux carrières de grès grisâtre ; ce grès se décompose à l'air en très-peu de temps.
[…]
Il existe dans une chaîne de montagnes faisant partie de la côte de Delme, près de Moyenvic, une carrière de marbre de diverses couleurs, rouge veiné, noir, gris, dur et compacte. Quoiqu'il paroisse que cette carrière a été ouverte, on ne se rappelle plus à quelle époque elle a été abandonnée.
ROUTES ET PONTS
Sur la Rivière de Seille.
- Pont de Vic, de trois arches en pierre.
- Pont de Château-Salins, de deux arches , sur la Petite-Seille.
- Pont de Moyen Vic, de deux arches en pierre.
- Pont de Burthecourt, de trois arches en pierre.
- Pont de Nomény , de cinq arches en pierre.
OBSERVATIONS SUR LA CONSTITUTION PHYSIQUE DES HABITANS
La taille moyenne est au moins de cinq pieds deux pouces, la couleur châtaine domine dans les cheveux, et le teint est ordinairement assez clair excepté dans les marais de la Seille.
ORDRE JUDICIAIRE
Les tribunaux de première instance des cinq arrondissemens sont fixes
; savoir :
Pour le premier arrondissement, à Toul, un président et trois
juges,
A Nancy, deuxième arrondissement, un président un vice-président
et six juges;
A Vic, troisième arrondissement, un président et deux juges
A Sarrebourg, quatrième arrondissement, un président et deux juges
A Lunéville, cinquième arrondissement, un président et
trois juges.
MOEURS ET USAGES DOMESTIQUES
On parle françois avec assez de pureté dans nos villes ; et parrni les gens bien élevés, on ne remarque point d'accent particulier, si ce n est une prononciation légèrement cadencée et un peu chantante. Mais le langage du peuple est fort lourd sur-tout dans le Toulois. Le patois lorrain que l'on parle dans nos villages, est le vieux françois, plein de mots d'origine celtique ou latine, que l'on aime tant dans Amyot dans Rabelais, et de ces expressions énergiques précises souvent tendres, aimables et naïves qui font regretter de ne plus trouver leur équivalent dans le françois d'aujourd'hui. Ce patois diffère de canton à canton, et quelquefois de village à village : en général, la trop grande abondance de lettres gutturales en rend la prononciation rude. Dans l'arrondissement de Sarrebourg et dans trois cantons de celui de Château Salins, on parle allemand ; mais ce n'est qu'un dialecte grossier et désagréable à l'oreille.
ECONOMIE DOMESTIQUE.
Le bois de chauffage se coupe à la cognée ou à la serpe,
et jamais à la scie on lui donne quatre pieds de hauteur, coupes comprises,
ce qui revient à trois pieds et demi pleins ; mais dans les forêts
avoisinant celles qui sont affectées aux
salines, d'anciens réglemens obligent les exploitans à faire des
bûches de six pieds de longueur.
L'eau de la Moselle, et celle de la Mortagne, sont les plus favorables pour le blanchissages ; aussi a-t-on établi sur ces rivières plusieurs blanchisseries considérables de toile : il y en a également sur la Meurthe; mais pour donner au linge un blanc brillant, on est obligé d'employer la chaux, ce qui en altère la qualité. Les rivières de l'arrondissement de Château-Salins sont les moins bonnes pour le linge ; de ce côté on est dans l'usage de découper du savon sur les cendres, avant de jeter l'eau chaude sur le linge.
L'AGRICULTURE
Le département de la Meurthe est essentiellement agricole; mais la richesse des produits est très-inégale. Plusieurs cantons approchent des meilleures terres de France; telle est la majeure partie de l'arrondissement de Château-Salins et, dans l'arrondissement de Lunéville, ci-devant comté de Vaudémont, les bords de la Vezouze et du Sanon : les terres de l'arrondissement de Nancy, excepté la petite plaine du Vermois sont d'une qualité bien inférieure; mais les moins fécondes se trouvent le long du cours de la Moselle et de la Sarre.
Prairies naturelles.
Les herbages que produisent nos prairies sont en général de bonne
qualité; il n'y a que dans l'arrondissement de Sarrebourg que quelques
pâturages sont âcres : dans les parties basses des vallons de la
Seille, on trouve aussi quelques cantons où le jonc domine
[…]
Malheureusement les inondations, trop fréquentes dans un pays de sources, et où le lit des rivières n'est ni fixe ni bien encaissé, gâtent les foins et emportent quelquefois les récoltes entières. Au moyen de machines hydrauliques, de digues et de canaux, on préviendrait une partie de ces accidens; mais les pièces de prés, comme les autres propriétés rurales, sont trop divisées pour que les propriétaires puissent se réunir et se décider à faire les avances considérables qu'exigeroient ces utiles travaux. On néglige par la même raison les curemens les plus indispensables. Il seroit facile aussi d'améliorer la qualité de beaucoup de prairies basses, en plantant dans leurs contours des arbres absorbons et à racines pivotantes; le saule sur-tout, dont la tonte donneroit en outre un produit avantageux, y est très-rare. Plusieurs propriétaires qui sentoient tous les avantages de ces plantations, ont eu le désagrément de les voir détruire par les pâtres. Comment persuader à ces agriculteurs d'en recommencer de nouvelles tant qu'ils seront exposés à de telles avanies?
Marais.
En redressant le lit de quelques rivières, particulièrement celui
de la Seille, et celui du Sanon sur les bords desquelles se trouve la plus grande
partie des marais qui restent encore dans le département, on parviendroit
à assainir presque tous ces terrains et à les rendre productifs;
mais, sous ce rapport, la dépense excéderait toujours le bénéfice
du dessèchement.